Avertissement : cette Actualettre sur le sport est écrite à partir de mon expérience et mon point de vue. Elle n’est donc pas universelle, puisque je suis privilégiée, et selon certaines personnes qui me côtoient (et qui, je pense, se trompent), de mauvaise foi. Je suis blanche, et bien que je ne sois pas riche, ma famille a soutenu financièrement mes projets sportifs. Bien que connaissant des fluctuations de poids et de physique, mon poids n’a jamais été un obstacle à ma pratique du sport (sauf au yoga, que j’ai pratiqué à une période où j’étais plus fournie en plein d’endroits, et où entre mon ventre, ma poitrine et mon menton, j’avais du mal à respirer quand je mettais mes pieds derrière ma tête. Plus d’une fois j’ai vu ma vie défiler devant mes yeux). J’ai quelques problèmes articulaires : pieds plats qui font des entorses aux chevilles, syndrome rotulien et maladie génétique mystérieuse qui fait que j’ai le cubitus plus court que la normale. Ça peut me causer des douleurs mais rien de grave, c’est juste que je suis née à 8 mois donc mes finitions ne sont pas terribles.
Tout ça pour vous dire que je n’ai connu aucun obstacle majeur à la pratique d’aucun sport. J’en ai conscience, et je vais essayer dans mon Actualettre d’inclure le plus grand nombre de personnes possibles (sauf les hommes cis hétéros, bien sûr, on n’est pas des bêtes).
Vous pouvez lire l’introduction de cette série ici, la première partie là et la deuxième partie ici.
On a bien rigolé dans les deux premiers épisodes de cette Actualettre sur le sport, mais je vous préviens : pour les deux derniers conseils on va aborder des sujets plus profonds.
Conseil #5 : Écoutez votre corps
Votre corps ne s’exprime pas avec des mots et pourtant il vous parle (waouh, les trois jours où j’ai pratiqué la méditation avec Petit Bambou il y a un an et demi ont vraiment porté leurs fruits). Votre corps est sage, et il sait très bien ce dont vous avez besoin. Si comme moi, vous êtes né·e ou avez été élevé·e en France, on vous a fait croire que l’esprit primait sur le corps. On se repose un peu sur nos acquis mais la France est le Pays des Lumières, et on ne s’en est jamais tout à fait remis. Par conséquent, consciemment ou non, nombre d'entre nous pensons être de purs esprits, nous rappelant souvent trop tard que cet esprit (souvent plutôt moyen en plus, on n’est pas toustes des Voltaire du 21ème siècle) est rattaché à un corps.
Je vais prendre un exemple qui n’a rien à voir avec le sport : les personnes qui ont fait un burn out disent souvent qu’elles ont ignoré les signes jusqu’à ce qu’un beau jour elles ne puissent plus du tout se lever. Ça vous fait pas flipper vous ? Moi si, et j’ai toujours fait très attention à ce que ça ne m’arrive pas. Cette vigilance ne m’a pas empêchée de faire deux burn outs, mais je les ai faits en pleine conscience, et je n’ai pas attendu de ne pas pouvoir physiquement sortir de mon lit pour arrêter les dégâts.
Un autre exemple : imaginons Jean-Michel Running. Il absolument tous les jours, fait en plus du renforcement musculaire (du renfo) et du trail le week-end. Il a mal partout, tout le temps, et il a tellement abîmé ses genoux que son médecin lui a dit d’arrêter de courir alors qu’il n’a même pas 50 ans. Il continue quand même, parce que ça lui fait du bien. Je ne suis pas kiné mais le corps de Jean-Michel a dû lui envoyer des signes ; des douleurs aux genoux par exemple. M. Running n’écoute pas ce que son corps lui dit, et ne pourra sans doute plus marcher d’ici 10 ans (j’ai envie de dire “et ce sera bien fait” mais j’ai peur que vous me trouviez cruelle). Alors courir, pourquoi pas (plutôt pas, pour ma part, je le répète au cas où vous auriez loupé l’info) mais pas si c’est pour perdre ses genoux. Si votre corps fait l’effort de vous envoyer des signaux, ayez la gentillesse de les écouter. Ne soyez pas comme un vieux mec cis auquel sa femme doit répéter la même chose 15 fois et qui finit quand même par lui reprocher : “Mais tu me l’as pas dit !”. Je crois ne pas me tromper si je vous dis : faire du sport c’est bien, avoir des genoux c’est mieux !
Je pense que l’on peut se mettre d’accord sur un point : on n’a pas la même humeur ni la même énergie tout le temps. Selon l’état dans lequel je me trouve, je n’ai pas envie de faire la même activité. Quand je suis de mauvaise humeur j’ai envie de faire un truc très cardio ou très technique comme du Pilates en mode difficile, car c’est trop dur pour que je puisse penser à autre chose qu’à mon corps. Quand je suis en SPM et que je me sens comme une crotte, je préfère le stretching. Quand je suis de bonne humeur, j’aime danser. Et quand je suis très angoissée ou au contraire en pleine forme, je suis trop occupée (à faire une crise d’angoisse dans le premier cas, à profiter de la vie dans le second) pour faire du sport. En ces jours de canicule je prévois de ne pas faire de sport parce qu’il fait trop chaud et que je compte bien bouger le moins possible.
Par pitié (j’en fais un peu des caisses mais c’est pour votre bien), ne vous flagellez pas parce que vos performances sont parfois moins bonnes que la veille, ou parce qu’il vous arrive de ne pas avoir envie de faire du sport. C’est peut-être votre corps qui essaie de vous dire que vous devez lever le pied. Certains jours vous ferez de beaux jumping jacks en sautant très haut et en tendant bien les bras, et d’autres vous ne serez capable que d’effectuer des training du pied jacks. Ce n’est pas grave et je pense que c’est même plutôt sain de ne pas être à 100% en permanence.
Écouter son corps c’est trouver un juste milieu entre faire du sport pour ne plus avoir mal au dos parce qu’on passe trop de temps avachie sur son canapé (et je prends cet exemple totalement au hasard, pas du tout parce que c’est mon cas, PAS. DU. TOUT.) ou pour muscler son coeur, et devenir bigorexique. J’ai bien conscience que le sport peut devenir une drogue, et dans notre société, une drogue fortement valorisée. On a toustes déjà entendu “ohlàlà il a couru 100km en deux heures, quel courage !” Quelle connerie, oui ! Je vous rappelle que le mec qui a couru le premier la distance du marathon est mort à l’arrivée. Je veux bien que nos aptitudes physiques aient évolué depuis l’Antiquité, mais on ne m’ôtera pas de l’idée que notre corps n’est pas conçu pour faire de tels efforts (j’ai envie d’enchaîner avec les poudres protéinées et les compléments alimentaires mais ce n’est pas le sujet).
De nombreux·ses sportif·ves adooooorent parler de volonté, quand elle s’appliquent aux personnes grosses ou dépressives (j’écris ton nom Tibo In shape) qui selon elleux devraient se bouger le cul pour maigrir ou aller mieux. Dire ça à des personnes qui n’ont pas envie de maigrir, qui souffrent de pathologies incapacitantes, ou qui n’ont tout simplement pas envie qu’un facho leur donne des leçons, c’est nier le fait que le corps sait ce dont il a besoin et qu’il est important de lui prêter attention pour se sentir mieux.
Bien sûr, apprendre à s’écouter demande un temps d’apprentissage important, et surtout d’aller à l’encontre de ce que notre société capitaliste nous enseigne. Le capitalisme veut que vous alliez vite et soyez productif·ve (être productif·ve signifiant “gagner de l’argent”), en mangeant ce qu’il vous dit de manger, et en faisant le sport qu’il vous dit de faire. Le capitalisme est un tyran et nous sommes ses esclaves.
Ce que je vous conseille pour adapter votre pratique, surtout s’il est encore difficile pour vous de traduire les signaux que vous envoie votre corps, c’est de faire du sport avec des personnes qui vous ressemblent. Accusez-moi de communautarisme si ça vous chante, mais je pense que les bienfaits de la non-mixité ne sont plus à prouver. Personnellement, si je me retrouve dans une salle avec des fit girls and boys minces et musclé·es, avec de belles tenues bien ajustées, qui ne transpirent pas, ne rigolent jamais et font tous les mouvements parfaitement, je ne vais pas oser me donner à fond, rigoler quand je me trompe, et je me sentirai mal à l’aise quand je serai devenue toute rouge (au bout de 45 secondes environ, et pendant deux jours après la séance). Donc je n’aurai pas envie de continuer. Même quand je fais du sport chez moi, je privilégie les vidéos avec des personnes grosses, racisées, queer… parce que les lieux, virtuels ou physiques, qui favorisent l’inclusivité, proposeront plus facilement des adaptations à votre niveau, votre forme, vos blessures éventuelles… et en plus de manière naturelle, sans vous faire vous sentir comme une merde parce que vous ne pouvez pas faire le mouvement de base. Adapter sa pratique, c’est savoir s’écouter, se dire que tous les corps sont différents et ne sont pas capables de faire la même chose. Là encore, ce n’est pas grave, il vaut mieux faire un mouvement moins impressionnant mais qui vous fait vraiment du bien que vous blesser en essayant de faire comme les autres.
Allez hop, balancez votre montre connectée pleine de statistiques qui ne servent à rien d’autre qu’à vous culpabiliser, et commencez à vous écouter ! (ou plutôt, revendez votre montre, autant en profiter pour gagner un petit billet).
Conseil n° 6 Acceptez les trucs chiants
Depuis le début de cette Actualettre sur le sport je suis là à vous dire : “éclatez-vous, l’activité physique doit être du pur plaisir, si c’est pas pour passer un bon moment ça sert à rien de s’imposer du sport”, et nanani et nanana… Cependant, je suis un être complexe et bourré de contradictions et je vais terminer avec ce conseil : si vous souhaitez commencer le sport, et/ou maintenir votre activité dans la durée, il faudra parfois que vous acceptiez des choses désagréables. Je suis également excessivement généreuse, je vous livre donc 3 conseils en 1, allez hop ma p’tite dame, y en a un peu plus j’vous l’mets ?
Mon premier sous-conseil est le suivant : étirez-vous bordel de cul ! (je me rends bien compte que ça ressemble à une injonction, mais les conseils ne sont-ils pas des injonctions déguisées ?). J’adore m’étirer, mais je classe cette activité dans les trucs chiants parce que j’ai l’impression que vous êtes nombreux·ses à sauter cette étape (telle le Père Noël, je suis omnisciente). S’étirer, c’est chiant, je m’ennuie, ça sert à rien, moi je veux des gros muscles, gnagnagna (j’ai une théorie : ce sont les mêmes mecs qui négligent les étirements et qui bâclent les préliminaires (ce terme est problématique en soi mais là j’ai pas le temps de développer) quand ils couchent avec une meuf).
Or s’étirer, c’est hyper important, pour apprendre à écouter son corps notamment (ohlàlà mais quelle habile pirouette, regardez comme je retombe sur mes pattes et fais le lien avec la partie précédente !) (si toustes les auteurices étaient aussi transparent·es que moi sur la construction de leurs écrits je me serais tapé de meilleures notes en français au lycée). Déjà, il est indispensable de vous étirer à la fin de votre pratique (sauf si vous avez fait une séance d’étirements, là c’est redondant, c’est pas non plus la peine de vous étirer 4 heures par jour, dosez un peu). Ça vous permet de réduire les courbatures dont vous souffrirez, peut-être pas demain, mais après-demain sans aucun doute. Ça vous permet également de redescendre en pression, de ramener votre respiration, votre rythme cardiaque et tout le toutim à la normale avant de reprendre le cours de votre vie. C’est une transition en douceur. Et surtout, pendant vos étirements, vous pouvez checker comment vous vous sentez. Est-ce qu’il y a des étirements qui sont plus difficiles à effectuer que d’autres, est-ce que certaines parties de votre corps vous font mal, est-ce que le même étirement est plus facile d’un côté du corps que de l’autre ? Ce genre de questions, et surtout les réponses que vous y apportez vous permettent de mieux connaître votre corps, et donc de… de… apprendre à l’écouter ! Bravo, vous avez tout compris, je n’ai plus rien à vous apprendre.
Ce qui est génial c’est que les étirements peuvent aussi constituer une pratique en soi, si vous recherchez une activité calme et pas trop cardio. Ils permettent d’augmenter votre mobilité, votre souplesse, d’améliorer la qualité de vos articulations, et plein d’autres trucs supers. Moi qui suis souple comme une pierre (c’est parce que je viens du Béarn) j’aime faire régulièrement des séances de 30 minutes d’étirements qui me permettent de constater que, si je gagne facilement du muscle, ma flexibilité augmente malheureusement au rythme des politiques français quand il s’agit d’admettre qu’il y a un génocide en cours à Gaza.

Si, en terme de flexibilité, je tiens plus du marbre d’Arudy que de la souplesse d’un bon Jurançon (je continue à filer la métaphore béarnaise si vous avez pas la ref) j’essaie de me regarder, si ce n’est avec amour, au moins avec bienveillance. Voilà donc mon sous-conseil suivant : regardez-vous, mais ne vous détestez pas.
Alors, je sais que c’est facile à dire pour moi car je suis globalement la réincarnation de Narcisse, fascinée par ma propre image. Non pas que je me trouve particulièrement sublime, j’oscille selon les jours entre “au secours” et “OMG mais quel charisme”. C’est simplement que ça me rend dingo d’être la seule personne dont j’occupe le corps et que je ne peux pas voir de l’extérieur. J’y pense absolument tous les jours. Alors à la place, je me regarde. Et à force de me regarder depuis toujours, je me connais et je m’apprécie. Parfois, j’entends des personnes dire qu’elles ne se sont pas regardées depuis des mois dans un miroir et qu’elles ne savent plus à quoi elles ressemblent. C’est souvent dans Queer Eye et je sais que c’est aussi un effet dramatique pour qu’on chiale à la fin, mais ça arrive. Sauf que nous sommes la seule personne de notre vie dont on ne peut pas se débarrasser tout en continuant à vivre, donc autant apprendre à se supporter. C’est le corps que vous habitez qui vous permet d’exister et, on l’a déjà vu, vous n’êtes pas un pur esprit, alors faites-vous un bisous pour vous réconcilier (j’ai bien conscience que dans une société validiste comme la nôtre, la manière dont je présente les choses est très simpliste, les choses sont bien plus compliquées que ce que je raconte ici).
Attention, je vais encore une fois me contredire. Si je pense que faire du sport pour rendre son physique plus joli (plus joli aux yeux de qui ? de notre société grossophobe, validiste, raciste et sexiste ?) n’est pas forcément une bonne idée, je pense que l’on peut quand même observer les petits changements que le sport apporte. Parfois, vous pouvez voir une ébauche de muscle apparaître, et ça fait quand même plaisir. Ça peut aussi être votre posture qui change légèrement, et surtout, tous les changements ne sont pas visibles à l'œil. Observer son corps, c’est aussi observer ses sensations et se rendre compte que progressivement, on arrive à marcher 2 minutes de plus que la dernière fois sans avoir mal aux pieds, et si ça peut sembler dérisoire, c’est déjà une belle victoire. Bien sûr, je ne vous demande pas de sombrer dans l’autosatisfaction, vous n’êtes pas Manu Macs, mais soyez un peu indulgent·es avec vous-même.
Vous avez le temps d’apprivoiser tout ça, vous redécouvrir, vous trouver cool… parce que l’un des trucs les plus frustrants quand on commence le sport, ou qu’on s’y remet, ou qu’on essaie une nouvelle activité… c’est le temps que ça prend avant de se sentir, pas performant·e (on n’est pas là pour être la meilleure version de nous-mêmes ok !?) mais au moins à l’aise. Quand j’ai repris le sport de manière régulière il y a un an et demi, je me disais que j’aimerais bien réussir à faire des bisous à mes genoux. Étant donné que, je vous le rappelle, je suis l’équivalent d’un Monsieur Patate en caillou, je ne suis même pas proche d’y arriver. Mais j’arrive chaque jour à rapprocher d’un poil de cul ma bouche de mes genoux. Quel que soit votre objectif (taper ce mot m’écorche toujours autant les doigts, mais le capitalisme a tellement tout sali que je n’en trouve pas de meilleur) il faut avoir conscience qu’il vous faudra probablement longtemps pour l’atteindre. Les programmes “Devenez Hulk en deux semaines” c’est de la connerie (Hulk a des pouvoirs, il ne fait pas de la muscu), ça ne fonctionne qu’à court terme. Se mettre au sport, décider de ce que l’on aime, ne plus être essouflé·e lorsque l’on monte les escaliers… ça prend du temps. Il y aura peut-être même des moments où vous stagnerez, voire même où vous régresserez. Ça peut être décourageant, mais si vous avez choisi une activité qui vous plaît, vous aurez quand même envie de continuer. Et c’est là que, je pense, ça vaut le coup de vous accrocher.
En plus, politiquement parlant, je trouve ça très réjouissant de faire des choses qui demandent du temps avant de montrer des résultats, et qui ne sont pas immédiatement gratifiantes. C’est un beau pied de nez au capitalisme, qui nous demande d’être en permanence performant·e, efficace, de faire les choses vite, et d’obtenir des résultats rapidement. Alors même si c’est dur dans notre société, allez lentement et demandez-vous si ce après quoi vous courrez (métaphoriquement et littéralement) aura de l’importance à la fin (de la journée ou de votre vie, c’est vous qui voyez).
Les ami·e·s, c’est ici que se termine ma série d’Actualettre sur le sport. Je crois que je vous ai prodigué toute la sagesse que je possède à ce sujet, et même si j’aurais encore plein de choses à dire je pense qu’il faut savoir s’arrêter. J’espère que cette Actualettre vous aura donné de quoi réfléchir, fait rire, et que si un jour je deviens coach sportive vous ferez appel à mes services ! Sportivement vôtre, Lecul.
Non, ne t'arrête pas, je veux tooooooute ta sagesse sportive !
(Enfin, fais bien ce que tu veux, et merci. Mais si y en a encore, tu peux le mettre quand même)
Team "training du pied jacks" ici, mais ça ne m'a pas empêchée de dévorer cette série d'actualettres et de rêver qu'un jour, je reprenne la piscine et je me sente à nouveau bien dans mon corps ! Alors merci ✨️